Réponse à une mère inquiète des jeux vidéo
Une maman nous a envoyé, il y a quelques temps, cette question :
« Bonjour,
Je me permets de vous contacter car mon enfant, qui va bientôt avoir 12 ans, souhaiterait jouer à des jeux vidéo. Jusqu’à présent, nous avons repoussé cette demande. Il est en classe de 6ᵉ et c’est un excellent élève. Je lui ai demandé si le fait de ne pas avoir de jeux vidéo posait un problème pour lui ou s’il se sentait gêné par rapport à ses camarades. Pour l’instant, il me répond que non.
Cependant, il m’explique que lorsqu’il joue chez ses amis, il perd souvent aux jeux vidéo car il n’a pas l’habitude. Je me demande donc si je peux encore résister à sa demande. Il a un petit frère de 9 ans et je me doute bien qu’à un moment donné, nous devrons franchir le pas. Néanmoins, quand j’entends des parents d’élèves de 4ᵉ dire que leurs enfants ne font plus que jouer aux jeux vidéo, cela m’interroge et m’effraie un peu.
Actuellement, mes enfants aiment beaucoup lire, apprécient que je leur fasse la lecture, sont très curieux et demandent à visiter des lieux comme le musée du Louvre ou la cathédrale Notre-Dame. Je ne voudrais pas leur faire perdre cet intérêt. Par ailleurs, je ne connais pas grand-chose aux jeux vidéo et je souhaite absolument éviter les jeux violents. Je serais donc intéressée par des recommandations de jeux intelligents et adaptés.
Merci d’avance pour vos conseils »
Nous retranscrivons ici notre réponse :
Madame,
Nous vous remercions pour votre question. Vous songez à faire entrer les jeux vidéo dans votre famille et vous mentionnez être inquiète que ceux-ci ne coupent l’élan culturel de vos enfants. Voici quelques éléments de réponse qui, je l’espère, pourront vous aider à faire un choix éclairé et serein :
En premier lieu, sachez que ce n’est en rien obligatoire d’acheter des jeux vidéo. Les enfants (et les adultes aussi…) en raffolent, mais il ne s’agit que d’une envie. Celle-ci peut être très forte, mais ce n’est en rien un besoin. Si vous craignez que vos enfants ne se sentent exclus, vous avez déjà appliqué la meilleure méthode, à savoir de leur poser directement la question. Votre fils semble avoir pu vous répondre (et probablement vous rassurer) avec aplomb, ce qui dénote selon moi un très bon contact entre vous. C’est une bonne chose, puisque cela va rendre les discussions autour des jeux vidéo faciles.
Deuxièmement, si votre fils joue chez ses copains, c’est une très bonne chose, car cela montre de bonnes compétences sociales chez lui. Il a visiblement trouvé des stratégies pour s’inclure dans un groupe social, même sans avoir de jeux lui-même. C’est excellent ! Je vous invite tout de même à le questionner sur les jeux auxquels il joue chez ses copains. Non pas pour le surveiller, mais plutôt pour préparer le terrain si, d’aventure, certains jeux, ou certaines situations ne devaient pas lui convenir. Ainsi, vos enfants se sentiront tout de suite à l’aise de vous en parler. Et d’entendre que vous portez un intérêt culturel à ces jeux en fera un sujet de discussion familial. Savez-vous déjà à quels jeux ils jouent ensemble ?
Enfin, si vous décidez de franchir le cap, je vous invite à établir des règles à l’avance. Un peu comme lorsque l’on adopte un chien : on définit avant de l’acheter comment les enfants vont participer à s’en occuper. Ici, l’entrée d’une console de jeu se fait progressivement et vous devrez, en tant que parents, certainement poser un cadre, en définissant des moments de jeux et des moments consacrés à d’autres activités comme celles que vous avez mentionnées. Je vous invite à ne pas nécessairement fixer un cadre en termes de “temps de jeux vidéo par jour”, mais plutôt de définir quand se lancer dans une partie est approprié (par exemple lorsque les devoirs scolaires sont faits). Le but est d’instaurer une complémentarité d’activités, ce qui vous permettra d’être rassurée sur les valeurs de transmissions culturelles qui vous sont chères.
Les jeux vidéo sont captivants, mais lorsqu’ils sont adaptés à leur âge, ils ne sont pas nocifs pour les enfants. Leur mettre un cadre est toutefois nécessaire, car ils ne sont pas naturellement outillés pour savoir gérer leur pratique. C’est un apprentissage qui prend du temps, mais auquel les parents participent activement en mettant des limites.
L’intelligence d’un jeu vidéo est relative, car parfois ce qui peut sembler “idiot” sur l’écran est en réalité une expérience d’apprentissage tout autre, ne serait-ce qu’une ouverture à une autre forme de culture. Vous trouverez notamment des recommandations de jeux dans notre rubrique consacrée ici : https://www.3-6-9-12.org/les-revues-de-jeux-video/
Pour terminer, la culture du jeu vidéo s’est beaucoup étendue ces dernières années. L’intégrer peut également se faire en allant voir des expositions comme :
– la cité des sciences et de l’industrie : https://www.cite-sciences.fr/fr/au-programme/expos-permanentes/les-expositions/e-lab/lespace-jeu-video
– l’ancienne poste de Versailles : https://www.sortiraparis.com/arts-culture/exposition/articles/319945-game-story-nos-photos-de-l-exposition-consacree-au-jeu-video-a-l-ancienne-poste-de-versailles
Saviez-vous que Notre-Dame avait été reconstruite dans le jeu Minecraft par des passionnés ? https://www.youtube.com/watch?v=8R0hkk5ZP9E
Voici donc quelques manières de faire entrer progressivement cette culture dans votre famille, si vous le souhaitez, et de le faire peut-être d’une manière qui soit accordée à votre rythme et vos valeurs.
En espérant que cela vous aide déjà, nous restons volontiers à votre disposition.
Niels Weber
Il travaille en Suisse sur les thématiques d'usages excessif des écrans, notamment avec des familles. Il utilise le jeu vidéo comme outil thérapeutique et garde un œil attentif sur l'actualité du média (nouveautés, tendances, impacts, etc.). En parallèle à ses activités professionnels, il dirige bénévolement un site de critiques de jeux (www.semperludo.com), ainsi qu'une association de joueurs à l'échelle nationale (www.gamingfederation.ch), à travers laquelle ils visent une pratique du jeu vidéo responsable.