Guerre en Ukraine : en parler aux enfants, pourquoi et comment
Pourquoi parler de la guerre en Ukraine avec les enfants ? Parce qu’ils en ont déjà entendu parler ! A l’école par exemple, par des camarades mieux informés qu’eux, ou désireux d’impressionner les autres par des discours spectaculaires. Ou encore parce qu’ils ont écouté leurs parents discuter entre eux, ou que la télévision ou la radio sont restées allumées en leur présence. Ils ont bien vu aussi que nous sommes inquiets, et les plus jeunes ont pu imaginer que c’est à cause d’eux. N’oublions pas que le jeune enfant a tendance à imaginer que le monde tourne autour de lui. Si ses parents semblent heureux, il se réjouit à l’idée qu’il en est la cause, et s’il voit ses parents tristes ou préoccupés, il s’inquiète de sa responsabilité dans leur état.
Mais alors comment parler à nos enfants d’événements aussi bouleversants que la guerre en Ukraine, sans leur mentir exagérément sur la gravité des faits, et sans susciter trop d’inquiétude chez eux ?
D’abord choisir le bon moment. C’est-à-dire un moment où nous aurons le temps de parler ensemble. Ceux qui connaissent les balises 3-6-9-12 savent que nous préconisions déjà, bien avant l’apparition des outils numériques, de prendre le repas du soir sans télévision. On peut y ajouter aujourd’hui sans Smartphone ni tablette, de façon à en faire un moment d’échange convivial partagé.
Ensuite, tout dépend de l’âge des enfants.
Avant quatre ans, veillons à ne pas leur transmettre nos angoisses. Rassurons-les surtout sur le fait qu’ils ne sont pas responsables de nos préoccupations, que nous les protégerons quoi qu’il arrive et que nous viendrons ensemble à bout des difficultés.
A partir de cinq ans, nous pouvons déjà leur demander s’ils parlent avec leurs camarades de ce qui se passe, s’ils ont déjà vu, entendu ou compris des choses, s’ils sont inquiets. Partons toujours de leurs propres questions et n’allons pas trop loin dans nos explications. Laissons-leur le temps d’assimiler nos réponses, respectons leur rythme. L’essentiel n’est pas de tout dire en une seule fois, mais d’ouvrir l’échange afin que l’enfant sache qu’il peut revenir à tout moment avec ses questions et qu’il trouvera un interlocuteur pour lui répondre.
Rassurons-les, et commençons à contextualiser cette guerre en utilisant un globe terrestre ou une carte de géographie. Pour les plus grands, nous pouvons donner plus d’explications historiques : parlons des traités, celui de Minsk, puis celui de Budapest. Il suffit de taper ces mots sur Internet pour trouver des explications.
Évitons aussi de parler de « bons » et de « méchants » : à partir de 4 ans et demi, un enfant est capable de comprendre que des expériences différentes du monde organisent des représentations du monde différentes. Restons plutôt sur le terrain de la loi : ce qui est permis et ce qui est interdit. Le président d’un pays qui s’appelle la Russie a fait quelque chose d’interdit en attaquant un autre pays qui s’appelle l’Ukraine. Avant 9-10 ans, évitons également de qualifier la « folie » supposée du président russe. Car la folie effraye, elle n’est pas contrôlable. Si l’on entre dans ce champ, il n’y a plus rien à comprendre, et c’est très angoissant.
Attention au journal télévisé : il n’est pas adapté aux enfants avant l’âge de 9-10 ans, car ils ne sont pas en mesure de comprendre les informations données et peuvent être impressionnés par les images. S’ils se retrouvent néanmoins devant l’écran, expliquons, commentons, parlons. Et ce même avec les plus grands.
Avec les adolescents, de vraies discussions peuvent s’engager : ils ont à leur disposition des bases historiques pour comprendre la marche du monde et peuvent saisir les enjeux géopolitiques. Conseillons-leur de s’informer à des moments déterminés, sur des médias choisis, et non en continu sur leur smartphone, où ils peuvent être tentés de rebondir sur des informations toujours plus spectaculaires. Et n’oublions jamais que les adolescents ne sont pas des adultes : ils ont leur sensibilité, souvent vive dans cette période de la vie. Laissons-les laisser rêver à un monde meilleur, quels que soient nos propres fantasmes sur son évolution. Ils ne posent d’ailleurs pas sur le monde les mêmes yeux que nous : ils sont au matin de leur vie, ils ont envie d’un avenir qui reste à construire et dans lequel ils prendront leur part.
A tout âge, donnons une large place aux émotions : exprimons celles que nous ressentons pour autoriser nos enfants à exprimer les leurs. Attention toutefois : exprimer c’est mettre en mots, ce n’est pas déverser… Donc si nous sommes trop bouleversés, discutons d’abord avec d’autres adultes avant de revenir vers nos enfants en étant un peu plus apaisés.
Et puis insistons sur l’entraide et la solidarité qui se manifestent vis-à-vis des Ukrainiens chassés de leur pays, mais aussi de ceux qui sont restés et qui résistent. Engageons les enfants et les jeunes à participer à des actions symboliques ou concrètes en faveur de l’Ukraine. C’est un moyen de ne pas seulement assister, impuissant, à ce qui se déroule sur nos écrans, mais de prendre une part, même minime, dans un processus actif. C’est un moyen de lutter contre le risque de dépression. Ces actions collectives nous permettent également de nous sentir solidaires de ceux avec lesquels nous partageons les mêmes valeurs. C’est essentiel en période de trouble : nous n’avons pas envie d’être seuls.
Et si votre enfant est dans une classe où a été accueilli un jeune Ukrainien, parlez avec lui des difficultés que cet enfant peut avoir à communiquer s’il ne connaît pas le français, et l’importance de l’intégrer dans les jeux avec les autres. C’est la même chose pour les familles qui accueillent aujourd’hui des Ukrainiens et des Ukrainiennes. Peut-être en connaissons-nous ? Plus nos enfants verront comment aider, et plus nous pourrons valoriser pour eux l’idée d’un futur meilleur, où l’entraide et la responsabilité citoyenne occupent une place de choix.
MN.C. et S.T.