Commission écran : un signal d’alarme injustement critiqué
La commission nommée par le président de la République en vue de faire des propositions sur la régulation des médias numériques a remis son rapport le 29 avril dernier[1]. Malgré de nombreuses critiques formulées, notamment sur le caractère difficilement applicable des mesures consacrées aux adolescents, ce rapport pose des jalons utiles.
Tout d’abord, il tire opportunément la sonnette d’alarme sur le pouvoir grandissant des algorithmes obscurs utilisés par les GAFAM[2] pour manipuler nos représentations et nos comportements. Mais surtout, l’importance de l’éducation au numérique et aux médias et rappelée sans pour autant que le volet des interdictions souhaitables soit ignoré.
C’est ainsi que l’interdiction des écrans avant trois ans et le choix de programmes adaptés jusqu’à six ans sont rappelés avec insistance. De même, des téléphones mobiles sans accès à Internet jusqu’à 13 ans ne gêneraient pas l’éducation aux pièges du numérique de la part des particuliers et des institutions qui souhaitent la mettre en place avant cet âge, puisqu’il serait toujours possible d’y avoir accès par une tablette ou un ordinateur connecté, notamment dans le cadre scolaire et associatif. En revanche, cela permettrait de réduire considérablement l’accès à la pornographie des mineurs et le risque que certains, particulièrement fragiles, s’engagent dans des pratiques délétères sur les réseaux sociaux dès 9 ou 10 ans.
Le rapport évoque également la nécessité de proposer une information homogène pour les œuvres cinématographiques et les jeux vidéo. Cela rejoint exactement l’une propositions que j’ai faite en 2019 dans mon rapport[3] remis au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). J’y proposais la création, parallèlement à la commission de classification qui légifère actuellement sur les interdictions des œuvres cinématographiques aux mineurs, d’une commission de classification des œuvres cinématographiques enfant. Son rôle serait d’informer les parents, avec des âges indicatifs et des pictogrammes explicatifs (sur le modèle de ceux qui sont utilisés dans le domaine du jeu vidéo) sur les dangers possibles des œuvres qui ne sont pas interdites aux moins de 12 ans. En effet, actuellement, il n’existe aucune indication d’âge et de contenus sur les films et les dessins animés proposés aux enfants, à tel point qu’au vue des préconisations officielles, tout ce qui passe à la télévision dans la tranche suivant le 20 heures semble être autorisé pour tout public. Les parents peuvent donc légitimement considérer que leur responsabilité n’est pas engagée car chacun ne peut être tenu pour responsable des décisions qu’il prend que s’il a les moyens de décider en connaissance de cause. La préconisation de la commission réunie par Mr Macron rend encore plus nécessaire cette création.
Enfin la commission évoque, dans sa proposition numéro 22, la création d’alternatives aux écrans. Bien que cela ne soit pas précisé, cette évocation peut permettre aux associations familiales et aux élus de tous bords de réclamer l’ouverture, tous les samedis et dimanche, des cours de récréation, des gymnases, et des terrains de sport dépendant des écoles. Cela permettrait non seulement de créer des alternatives aux écrans pour tous les enfants qui ont besoin de bouger leur corps et de retrouver leurs copains pendant le week-end, mais aussi de favoriser du lien social entre familles issues d’horizons et de cultures diverses.
[1] Disponible sur le site de l’Élysée : https://www.elysee.fr/admin/upload/default/0001/16/fbec6abe9d9cc1bff3043d87b9f7951e62779b09.pdf
[2] Acronyme utilisé pour désigner Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
[3] https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/rapport/quelles-protections-pour-les-mineurs-dans-laudiovisuel-a-lere-dinternet_1130002