Étude ELFE – Les temps d’écran des tout-petits en France sont au-delà des recommandations
L’Étude ELFE (Étude Longitudinale Française depuis l’Enfance) est la première étude longitudinale française d’envergure nationale consacrée au suivi des enfants, qui aborde les multiples aspects de leur vie sous l’angle des sciences sociales, de la santé et de l’environnement. Pour la première fois, des chercheurs de tous horizons suivent l’histoire des enfants de la naissance à l’âge adulte. 18.000 enfants nés en 2011 ont initialement été inclus dans cette étude.
Les résultats sur le temps d’écran des tout-petits viennent d’être publiés et recoupent sans surprise des éléments repérés dans d’autres études internationales. Mais alors quels sont les principaux résultats à retenir ?
- Les temps d’écran quotidiens des tout-petits sont au-delà des recommandations, et la télévision reste le média le plus présent dans la vie des tout-petits
En effet, à l’âge de 2 ans, ce sont 56 min quotidiennes d’écrans, dont 86% de télévision ! Les temps de smartphone éventuellement prêté à l’enfant par les parents n’ont pas été comptabilisés. Rappelons pourtant qu’en France il est recommandé de ne pas exposer les enfants de moins de 3 ans à la télévision. Et bien seules 13% des familles de l’étude respectaient cette recommandation…
À l’âge de 3 ans et demi, les tout-petits sont exposés en moyenne 1h20 par jour aux écrans, dont 73% de télévision. Seule la moitié des familles suivait la recommandation « Pas plus d’une heure par jour ».
Enfin à l’âge de 5 ans et demi, le temps d’écran quotidien était en moyenne de 1h34, dont 64% de télévision. Le pourcentage de familles suivant la recommandation « Pas plus d’une heure par jour » baissait à 39%.
Ces chiffres nous interrogent bien sûr sur la manière de rendre la portée des campagnes de prévention plus efficace.
- Des disparités géographiques importantes
Les jeunes enfants bretons sont les moins exposés aux écrans, ceux des Hauts-de-France passent à l’inverse beaucoup plus de temps devant les écrans au même âge. Est-ce que des différences sociales entrent en ligne de compte, sachant que la région des Hauts-de-France est particulièrement paupérisée ? Est-ce que l’environnement en Bretagne favorise plus d’activités alternatives, telles que des activités de plein air ? Y a-t-il des différences culturelles régionales ? Autant de questions suscitées par ces chiffres qui mériteraient d’être étudiées.
- Histoire migratoire familiale et faible niveau d’études maternel constituent des facteurs de risque d’une surexposition aux écrans chez les tout-petits
Plus une famille est marquée par des histoires migratoires, plus le risque est fort d’une surexposition des plus jeunes aux écrans. Notons que ce sont des familles dans lesquelles la télévision allumée peut constituer une forme de lien avec le pays d’origine, par le visionnage de chaines dans la langue maternelle. Elle constitue également une présence pour des personnes déracinées, parfois en proie à la solitude. On peut aussi émettre l’hypothèse d’une indisponibilité plus grande des adultes en raison de situations administratives complexes. Enfin, il peut s’agir de cultures et de pays dans lesquels les campagnes de prévention sur les effets des écrans sur les enfants sont rares ou absentes, comme c’est le cas dans les pays africains par exemple.
Le faible niveau d’études maternel est repéré dans de nombreuses études internationales comme un facteur de risque important d’une surexposition aux écrans chez les tout-petits.
Ces données nous indiquent les groupes de population vers lesquels nos efforts de prévention doivent tendre.
- Persistance des comportements
Un enfant qui regarde beaucoup les écrans étant petit continue à les regarder beaucoup en grandissant. Là encore, un grand nombre d’études soulignent ce facteur de risque important. C’est donc au plus tôt que les bonnes habitudes doivent être prises !
- Pas d’usages genré des écrans dans la petite enfance
Filles et garçons utilisent les écrans de la même manière à cette période de la vie. C’est plus tard que les différences entre les genres apparaissent dans les usages numériques.
Les auteurs de l’étude soulignent eux-mêmes les éléments pouvant réduire la portée de leurs constats :
- Il s’agit d’enfants nés en 2011, donc avant la période COVID, et avant l’explosion de la place des outils numériques nomades dans nos vies (smartphones, tablettes). Toutefois, d’autres études étrangères plus récentes continuent à montrer que la télévision demeure l’écran le plus présent chez les plus jeunes. A contrario, au cours de ces dix dernières années, les campagnes de prévention se sont beaucoup développées, permettant aux jeunes parents, espérons-le, d’être aussi mieux informés sur les risques et les recommandations que ne l’étaient les parents de 2011.
- Il s’agit d’une étude déclarative, c’est-à-dire que les données ne sont pas issues de l’observation directe des chercheurs, mais de questionnaires soumis aux parents. Ils sont alors sujets à deux types de biais : les biais de mémoire qui peuvent conduire à des erreurs dans les données déclarées, et les biais de désidérabilité sociale qui peuvent conduire à minimiser les données sur le temps d’écran car les parents savent qu’il est valorisé de savoir poser un cadre face aux écrans.
Cependant, la cohorte ELFE, par le nombre important d’enfants suivis dans le temps, est la première étude d’une telle solidité en France. Les résultats observés sont précieux pour ajuster les campagnes et actions de prévention sur les effets des écrans, en faisant particulièrement porter les messages sur les populations et les usages les plus à risque.
Pour en savoir plus :
Tout sur l’étude ELFE : https://www.elfe-france.fr/fr/
L’article sur les récents résultats sur le temps d’écran des tout-petits : http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/6/2023_6_1.html