10 janvier 2023

Étude « Parents, enfants & numérique »

Fin 2020, la France comptait 92% de foyers connectés. 8 Français sur 10 se connectent chaque jour sur les réseaux sociaux et les messageries instantanées[1]. La vie quotidienne devient pour un grand nombre très digitale. Dans les familles, cette omniprésence d’outils numériques interroge sur les façons d’être ensemble et sur le rôle des parents en tant que modèles responsables.

Sujet d’actualité, l’éducation numérique a fait l’objet de nombreuses publications françaises en 2020[2]. Plusieurs font références aux données extraites de l’étude « parents, enfants & numérique », éditée par l’Observatoire de la Parentalité et de l’Education Numérique[3] et l’Union Nationale des Associations Familiales[4], sous forme d’un Livre blanc en accès gratuit sur le site de l’UNAF[5].

Pour la première fois sur ce sujet, l’étude croise des données quantitatives confiées à Médiamétrie et qualitatives à Anthropodo. L’attente des commanditaires portait, au-delà des équipements numériques des enfants et du temps passé face aux écrans, sur l’analyse des stratégies éducatives déployées par les parents, en fonction de l’âge de leurs enfants.

La lecture du livre blanc nous donne à réfléchir sur ce sujet complexe des parents face aux nouveaux enjeux éducatifs et à la relation parents/enfants avec ou sans numérique. L’évaluation des solutions que les parents développent pour encadrer les usages de leurs enfants interroge et met en exergue leurs questionnements, leurs paradoxes et leurs attentes en termes d’accompagnement dans l’éducation à l’usage des écrans. Elle nous permet de mieux comprendre ces comportements contradictoires des parents face au numérique.

Ainsi on y perçoit, par exemple, combien l’éducation numérique attire les familles, (96% sont d’accord pour dire que le numérique est un bénéfice, une opportunité pour leurs enfants) et les angoisses (95% d’entre eux pensent qu’il peut aussi déclencher des troubles comportementaux chez les jeunes usagers) ; combien l’usage des outils numériques fait l’objet de discussions en famille, parfois agitées, (95 % des parents interrogés mettent en place au moins une règle pour surveiller les usages numériques) ; combien des parents sont en difficulté, à défaut de solution magique pour une gestion sereine, dès lors que les enfants grandissent (plus d’un tiers des parents jugent les limites posées « difficiles » ou « très difficiles » à faire respecter). D’autant que l’équipement d’un téléphone personnel de l’enfant se fait de plus en plus tôt (moyenne d’acquisition du premier smartphone 9,9 ans soit entre le CM1 et CM2). Cet équipement se justifierait par la peur d’exclure l’enfant d’un espace de sociabilité, par le regard porté sur la famille par d’autres parents et surtout pour rassurer le parent et savoir son enfant joignable à tout moment par géolocalisation. Et pourtant, semblant représenter une forme « d’assurance tout risque », la géolocalisation peut fragiliser la relation de confiance parents/enfants (24 % des parents disent avoir parfois utilisé des « logiciels d’espionnage », sans forcément l’avoir dit à leurs enfants).

Les résultats de l’étude rappellent également combien les plus grands consommateurs d’écrans sont les parents, au risque de mettre à mal leur rôle en tant que modèles responsables. Conscients que limiter ou interdire l’usage peut être sources de conflit, les parents se sentent démunis et sont en attente d’accompagnement de proximité.

Les différents chapitres du livre blanc sont assortis de recommandations, messages de prévention à l’attention des acteurs de l’accompagnement et en dernière partie du guide, des conseil clairs et adaptés aux parents de jeunes enfants et aux parents d’adolescents.

Une attention particulière doit être portée sur la date de réalisation des enquêtes et entretiens de cette étude (dernier trimestre 2019) réalisée juste avant la période de confinement. De fait, ne sont pas pris en compte l’incidence de la crise sanitaire sur la scolarité à distance et ses conséquences sur les inégalités sociales d’accès à l’éducation numériques.

Depuis lors, de nombreux laboratoires de recherche, collectifs et associations du champ de l’éducation se sont largement investis pour mieux comprendre et partager les modalités de mise en place de la continuité pédagogique en s’intéressant aux ressentis des élèves, des enseignants et des parents pendant cette période inédite. On peut citer la synthèse de l’étude de l’IFOP[6] (Le regard des parents sur l’école à distance) qui apporte quelques éléments de réponse quant aux familles les moins bien connectées, l’article du CNRS (Les enfants apprennent-ils moins bien à distance ?[7]) et les premiers résultats publiés par IFE de Lyon (École, numérique et confinement et Éducation numérique et recherche – regards croisés[8]).

Terminons sur les propos de Grégoire Borst[9] sur la question “Peut-on apprendre avec le numérique ?” « Ce qui est sûr, c’est que, contrairement à certaines croyances, le numérique n’est pas mauvais en soi. Tout est une question de contenu ».

MCécile COURCHAY

mc.courchay@gmail.com


[1]Baromètre MILDECA/Harris sur les usages d’écrans et les problématiques associées « L’essentiel sur … les usages problématiques d’écrans » 29/11/2020 – Français de 15 à 75 ans- https://www.drogues.gouv.fr/lessentiel-usages-problematiques-decranshttps://www.mediametrie.fr/fr/lannee-internet-2020

[2]Sitographie de publication 2020en PJ

[3]Open https://www.open-asso.org/

[4]UNAF https://www.unaf.fr/

[5]Livre blanc Parents, enfants & numérique https://www.unaf.fr/spip.php?article28139

[6]Sondage IFOPhttps://www.ifop.com/publication/le-regard-des-parents-sur-lecole-a-distance/

[7]Article INSERMhttps://www.inserm.fr/actualite/enseignement-enfants-apprennent-ils-moins-bien-distance

[8]https://edunumrech.hypotheses.org/tag/regards-croises

[9]Grégoire Borst professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation,

directeur du laboratoire LaPsyDÉ  (CNRS)

photo de l'auteur

Association 3-6-9-12

Un regroupement de praticiens de terrain, de chercheurs et d’universitaires, qui souhaitent participer à une éducation du public aux écrans et aux outils numériques en nous appuyant sur les balises 3-6-9-12 imaginées par Serge Tisseron.